Cérémonie internationale du 70e
anniversaire de la libération d'Auschwitz
27/01/2015
Info / Société (4h 15min)
DVD 164C
Pour commémorer le 70e anniversaire de la libération des camps d'Auschwitz, une
programmation spéciale, dédiée à la mémoire de l'Holocauste, se décline sur
toutes les antennes de France Télévisions. En compagnie de ses invités, Marie
Drucker revient d'abord sur cet événement majeur, des circonstances dans
lesquelles s'est déroulée l'évacuation du camp à la découverte de l'univers
concentrationnaire.
Présentation des 8 épisodes "jusqu'au dernier"
Ces dernières décennies, l'histoire de la destruction des Juifs d'Europe s’est
enrichie de nouveaux éclairages. Jusqu’au dernier porte la voix d’une
soixantaine d’historiens internationaux de renom. Ils sont le cœur de cette
série documentaire en 8 épisodes de 52 minutes consacrée à l’anéantissement des
Juifs d’Europe.
Notre objectif est d’appréhender ce sujet dans une vision d’ensemble : nous
remontons à ses racines dans les années 30, puis nous analysons comment
l’extermination des Juifs d’Europe a été mise en œuvre et exécutée à l’échelle
de tout un continent.
Enfin, nous nous intéressons à ce qui a suivi l’ouverture des camps en nous
interrogeant sur ce qu’a produit le destruction des Juifs d’Europe, depuis
soixante dix ans, à travers le monde. Documents, photos et films d’archives
venus de tous les continents, témoignages, images des lieux de mémoire tournées
aujourd’hui, viennent nourrir le récit des spécialistes sur ce siècle
d’Histoire.
Cette série, conçue par William Karel et Blanche Finger pour être accessible au
plus grand nombre, sera diffusée dans le cadre d’une programmation spéciale de
prime time, à l’occasion du 70e anniversaire de l’ouverture des camps
d’extermination, sur France Télévision en France ainsi que sur d’autres chaînes
européennes et internationales.
Format 8 x 52’
Réalisation William Karel et Blanche Finger
Coproduction Zadig Productions et Looks Film, avec la participation de France
Télévisions / Toute l’histoire / TV5Monde / UKTV / ZDFinfo, avec le soutien de
la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Textes lus par Yvan Attal et Lambert Wilson
Épisode 1 : La fin des illusions
Allemagne 1933. Adolf Hitler, à la tête du parti nazi, vient d'être nommé
chancelier et s'apprête à diriger une République minée par la crise économique
et l'inflation. Il s'appuie sur le culte de la personnalité édifié par la
propagande de Joseph Goebbels qui diffuse les idées nazies, xénophobes et
antisémites, qu’Hitler a affirmées dès la première guerre mondiale et réitérées
dans Mein Kampf : les Juifs, affirme-t-il, font partie d'une conspiration
internationale contre l'Allemagne.
Il va utiliser la puissance de l'Etat allemand, devenu le IIIe Reich en 1934,
pour exclure progressivement les 600 000 citoyens allemands de confession juive
de la société, pour les forcer à émigrer, pour les anéantir. Dès 1933, il leur
est interdit d'exercer des métiers en contact avec le public : acteur,
journaliste, musicien et bientôt professeur d'université. Goebbels fait brûler
en place publique les auteurs que les nazis considèrent comme dégénérés dans un
gigantesque autodafé en mai 1933. Comme les entreprises et les commerces juifs
sont encore légaux, en avril 1933, Goebbels appelle au boycott. C'est un échec.
Mais dans l'opinion publique soumise à la propagande depuis deux ans, s'impose
de plus en plus en plus l'idée que les Juifs sont un groupe distinct de la
société allemande et que la ségrégation imposée aux Juifs est justifiée : ils
n'ont plus leur place en Allemagne.
Alors que la violence physique devient systématique à partir de l’été 1935, que
les exactions se multiplient dans la quasi indifférence de la société allemande,
dans les bureaux du ministère de l'intérieur des juristes nazis définissent qui
est juif et donc qui il faut exclure de la société allemande. Les lois de
Nuremberg en septembre 1935 retirent notamment leur nationalité aux Juifs
allemands. Dès lors les services de sécurité, polices d'Etats et police
politique du parti, toutes sous la direction de Himmler vont devenir les fers de
lance de la politique antijuive du IIIe Reich. Reinhard Heydrich à la tête du SD,
le service de renseignement de la SS, et son bras droit Adolf Eichmann, en
charge de l'émigration des juifs, vont jouer un rôle central dans
l'extermination des Juifs d'Europe.
Le 12 mars 1938, le IIIe Reich annexe l'Autriche sans rencontrer la moindre
opposition et sans la moindre réaction des démocraties occidentales. Eichmann
met en place un bureau central pour pousser les 100 000 juifs autrichiens à
émigrer en abandonnant tous leurs biens accaparés par le Reich. Moins d'un an
après l'annexion, la moitié des juifs autrichiens auront quitté leur pays.
L'Autriche va servir de modèle à la spoliation et à l'émigration des juifs
d'Allemagne. Mais les démocraties occidentales ne sont pas prêtes à accueillir
les réfugiés et la conférence d'Evian, initiée en juillet 1938 par le président
américain, Franklin Roosevelt, est un échec annoncé. La Suisse, pays frontalier
et neutre, demande à ce que les passeports des Juifs du Reich soient marqués
d'un J, pour leur refuser l’entrée, de peur qu’ils ne s’installent sur le
territoire helvétique.
Épisode 2 : Le piège
En 1938, le IIIe Reich qui vient d'annexer l'Autriche, mène une politique d'expulsion systématique des Juifs étrangers résidant sur son territoire. A l'automne, les Juifs polonais bannis d’Allemagne sont refoulés par la Pologne. Herschel Grynszpan, réfugié à Paris, apprend la manière dont la famille est bloquée dans le no man’s land entre les deux pays et assassine le 3e secrétaire de l'ambassade du Reich en France. Les Nazis s'en servent de prétexte pour lancer un pogrom. Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, les synagogues sont systématiquement incendiées, les magasins juifs pillés, saccagés, près de 30 000 juifs ont été arrêtés et conduits en camps de concentration, libérés peu après à la condition d'émigrer. C'est la nuit de cristal. Les responsables nazis, Göring n°2 du régime, Goebbels, le Ministre de la Propagande, Heydrich, le chef du service de renseignement de la SS, décident que les Juifs paieront les réparations, qu'ils auront aussi a payer une amende « expiatoire » d'un milliard de Reichmarks et que les indemnisations des assurances destinées aux propriétaires juifs seront confisquées par l'Etat nazi. Le jour même, Göring fait paraître un décret qui exclut les Juifs de toute activité économique. Au 1er janvier 1939, il n'y a plus d'entreprise juive sur le territoire du Reich. Alors que l'Allemagne est sortie de la crise économique, elle s'apprête à entrer en guerre. La France et la Grande-Bretagne ont cru repousser son spectre lors de la conférence de Munich en accordant à Hitler les Sudètes, en violation de leur alliance avec la Tchécoslovaquie, mais l'Allemagne continue de se réarmer. La situation des juifs allemands empire : mis au ban de la société allemande, diabolisés par le régime, ils sont désignés comme l'ennemi intérieur sans avoir plus désormais la possibilité de quitter le territoire. L'invasion de la Pologne par le Reich, le 1er septembre 1939, entraîne l'Europe dans la seconde guerre mondiale. La Pologne sous contrôle nazi est pour partie intégrée au Reich et pour partie transformée en "gouvernement général" dirigé par Hans Frank. Dans le gouvernement général, les Einsaztgruppen, des commandos mobiles de tuerie, déciment l'élite intellectuelle polonaise, terrorisent les populations juives qui fuient vers l'Est et tentent de passer en URSS. Le régime nazi décide aussi de déplacer des populations allemandes pour les installer dans le sud du gouvernement général. L'opération organisée par Heinrich Himmler est un échec mais la Pologne fait figure de laboratoire de la Solution finale. Les nazis rassemblent les juifs polonais dans des ghettos, les forçant à déménager et à abandonner leur travail s’il est à l’extérieur du ghetto. Varsovie devient le plus grand ghetto d'Europe, un tiers de la population de la ville est concentrée sur 5% du territoire de la ville. La contrebande y est généralisée, jusqu’à la nourriture. Pour survivre, le ghetto se met à travailler pour l’extérieur. Mais les enfants, les malades, les vieillards, ceux que le régime considère comme « improductif » n’ont pas droit aux tickets de rationnement. Le processus d’exclusion et de concentration s’accompagne désormais d’un affamement organisé
Épisode 3 : Au cœur de la nuit
En juin 1940, l'Allemagne nazie après avoir attaqué la Norvège et le Danemark,
avoir conquis la Belgique et les Pays Bas, franchit la ligne Maginot et occupe
Paris. La France est coupée en deux : au Nord de la ligne de démarcation la zone
sous occupation allemande, au Sud la zone dirigée par le maréchal Pétain, dont
le gouvernement siège à Vichy. Le régime de Vichy va très rapidement, dès
octobre 1940 et sans pression allemande, établir un premier statut des Juifs.
Dès les premières lois, les préfets de la zone sud ont le droit d'enfermer les
Juifs étrangers et les réfugiés juifs dans des camps où le régime nazi déporte
les Juifs de Rhénanie et de Westphalie. Le ministère allemand des affaires
étrangères avait d'abord envisagé de déporter les Juifs allemands à Madagascar
et Heydrich avait chargé Eichmann de lui proposer un plan qui avait été
rapidement abandonné.
Avec la défaite française, la propagande nazie où les Juifs sont assimilés à des
rats est diffusée dans toutes les salles de cinéma du continent, de la Pologne à
la Manche, de la Norvège à l’Italie. L'Angleterre de Winston Churchill résiste
toujours. Pour le IIIe Reich, les territoires à conquérir se situent à l'Est, en
URSS dont il est l’allié depuis le pacte Ribbentrop-Molotov de 1939. Selon les
plans de l’état-major, Moscou tomberait en quelques semaines et les Juifs
seraient déportés en Sibérie. Pour Hitler, c'est une guerre idéologique. Le 21
juin 1941, les armées allemandes entrent sur le territoire soviétique, depuis
les pays baltes jusqu'à l'Ukraine. Les pogroms se multiplient comme à Kaunas en
juillet 1941. Et les Einsatzgruppen, les commandos mobiles de tueries qui
avaient en 1939 éliminé l'élite polonaise, sont chargés de traquer les Juifs et
les communistes à l’arrière de la Wehrmacht qui avance de manière fulgurante.
Ils quadrillent les territoires qui tombent sous la botte nazis sur toute la
longueur du front et fusillent les hommes juifs entre 16 et 40 ans. Ils
bénéficient du soutien de l'armée, de l'administration militaire et de
l'administration civile dans les zones occupées. A partir d'août 1941, les
femmes et les enfants juifs tombent aussi sous les balles des Einsatzgruppen et
des collaborateurs locaux. Les 29 et 30 septembre 1941, ils fusillent
méthodiquement 33 000 hommes, femmes et enfants juifs dans le ravin de Babi Yar
près de Kiev.
Épisode 4 : La mort en
face
Dès l'automne 1941, trois mois après l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht, les
plus hauts responsables des forces alliées sont au courant que les juifs
d'Europe de l'Est sont en train de disparaître dans les fusillades de masse.
Mais ils ne réagissent pas.
Au même moment, commence la déportation des Juifs d’Allemagne et d’Autriche.
Craignant des protestations, les autorités nazies dirigent les convois vers
Lodz, Riga ou Minsk pour qu'ils soient plus difficiles à tracer. A leur arrivée,
certains déportés sont exécutés d’autres enfermés dans les ghettos. Himmler
réfléchit à d'autres méthodes d'exécution que les fusillades de masse, plus
rapides. A la fin de 1941, les nazis commencent à utiliser des camions à gaz,
comme ceux qu'ils avaient utilisés dans le cadre du programme T4 pour éliminer
les malades mentaux, considérés comme une menace contre "la race allemande". Le
programme avait été arrêté en août 1941, suite aux plaintes de l'Eglise
catholique mais le personnel est transféré sur le front de l'Est et notamment à
Lublin, sous le commandement d'Odilo Globocnik le chef supérieur des SS et de la
police du district. Il a pour mission d'exterminer les deux millions de Juifs du
gouvernement général de Pologne, qui sera plus tard rebaptisée "Aktion
Reinhardt".
C’est un tournant dans la Shoah. Désormais et grâce au chemin de fer, ce sont
les victimes qui sont mobiles et les centres d’assassinat qui sont immobilisés.
Globocnik envoie le personnel du programme T4 au camp d’extermination de Belzec
qui vient d'être construit sur une voie ferrée entre Lublin et Lvov. Suivront
Sobibor près de Lublin, Treblinka proche de Varsovie, Chelmno dans les environs
de Lodz : les camps d'extermination sont dans le voisinage immédiat des grands
ghettos. Et dans chaque camp, une équipe allemande issue pour la plupart des
équipes du programme T4, était assistée d'une centaine d'Ukrainiens volontaires
et formés dans le camp de Trawniki, près de Lublin.
Le 8 décembre 1941, ils commencent à utiliser du gaz pour exterminer les Juifs
déportés à Chelmno. La veille, les Etats-Unis sont entrés dans la Seconde Guerre
Mondiale, après le bombardement par les Japonais de la base navale de Pearl
Harbour. Entre le 12 et le 18 décembre, Hitler décide d'exterminer tous les
Juifs d'Europe.
Quelques semaines plus tard, à Wannsee, les responsables des administrations qui
participent à la Solution Finale assurent Heydrich de leur collaboration.
Eichmann est chargé de la coordination des déportations vers les camps de la
mort. Le camp d'Auschwitz est intégré à la Solution Finale en raison de ses
liaisons ferroviaires aussi bien avec l'Europe de l'Ouest qu'avec la Hongrie. On
y construit donc un camp d'extermination, Auschwitz-Birkenau, qui comporte des
chambres à gaz et des fours crématoires, en plus du centre de prisonniers et des
camps de travail de Buna-Monowitz. C'est à Auschwitz que seront exterminés la
plupart des Juifs français, néerlandais et belges, et la quasi-totalité des
Juifs de Hongrie.
Épisode 5 : La
solution finale
Dans le ghetto de Varsovie, Emmanuel Ringelblum et les autres membres d’Oyneg
Shabbat collectent tout ce qui permet de raconter la vie dans le ghetto, des
articles de journaux, des textes érudits mais aussi des tickets de concert, des
dessins d'enfants. Lorsqu’ils apprennent la mort à Chelmno des Juifs des villes
proches et du ghetto de Lodz à la fin de 1941, ils prennent conscience que les
nazis et leurs auxiliaires locaux ont lancé une opération d'anéantissement.
A la mi-mars 1942, c'est le ghetto de Lublin qui est liquidé. Ceux que les SS
jugent "inaptes au transport", les malades, les enfants, sont tués dans le
ghetto, les autres embarqués avec violence vers les gares. Tous les biens
laissés dans le ghetto sont récupérés par les nazis, ceux que les déportés
emportent confisqués à leur arrivée au camp où ils doivent se déshabiller.
L'argent saisi est versé sur un compte de la banque de Lublin qui sert à
financer les opérations de déportation et d'extermination, à payer les chemins
de fer allemands. Ceux qui survivent au voyage dans les convois à bestiaux sont
expulsés des wagons puis conduits au vestiaire et dans les chambres à gaz, où
ils sont asphyxiés par des gaz comme le zyklon B en moins d’une demi-heure,
pendant que ceux qui sont incapables de marcher sont traînés dans les fosses
pour y être tués. Après Belzec, les camps d’extermination de Sobibor et de
Treblinka sont mis en service. Dès lors, la liquidation des ghettos est
systématique.
Le 17 mai 1942, Reinhard Heydrich le chef des services de sécurité du Reich et
organisateur de la Solution Finale est mortellement blessé dans un attentat à
Prague. Pour Hitler et Himmler, il faut accélérer et radicaliser le processus
d'anéantissement.
Le 16 juillet 1942, à Paris, 12 884 juifs étrangers et français sont arrêtés et
conduits au Vélodrome d'Hiver. Suite à un accord passé avec les allemands, ce
sont les policiers français qui procèdent aux rafles. Sur l'insistance de Pierre
Laval, le chef du gouvernement de Vichy, les personnes âgées et les enfants sont
raflés et déportés aussi. La propagande officielle continue d’affirmer qu’il
s’agit de contribuer à la création de colonies agricoles à l'Est. Mais les
rumeurs circulent et les gens commencent à cacher des enfants pour les
soustraire aux déportations qui se poursuivront jusqu’en novembre 1944. Au
total, 40% des Juifs étrangers en France et 24000 Juifs français, ont été
déportés.
Goebbels poursuit son œuvre de propagande. Dans un ghetto de Varsovie exsangue,
dévasté par le typhus et la faim, ses cameramen obligent les habitants à se
prêter à des mises en scène montrant l'exploitation des Juifs par d'autres Juifs
nantis. Un mois plus tard, entre juillet et septembre 1942, le ghetto de
Varsovie est vidé brutalement par les nazis. 265 000 personnes sont déportées à
Treblinka et 35 000 tuées dans le ghetto.
Après les rafles de l'été 1942, l'équipe de Ringelblum continue de collecter
tous les documents possibles. Tous se mettent à écrire, à dessiner, pour laisser
une trace, pour écrire l’histoire de l’anéantissement du ghetto. Pour être sûrs
que les nazis ne les saisiront pas, ils placent tous les documents dans des
bidons de lait, dans des boites en fer et les enterrent dans les rues de
Varsovie.
Épisode 6 : Les disparus
A l'été 1942, les déportations sont systématiques dans toute l’Europe occupée
par les nazis. Les convois qui arrivent à Auschwitz-Birkenau, viennent de
Pologne mais aussi d'Europe de l'Ouest, et du Sud. Hitler ordonne que tous les
juifs polonais soient tués avant décembre 1942. Les déportations s'accélèrent à
nouveau et les enfants du ghetto de Lodz sont déportés début septembre. Les
camps d'extermination doivent être réorganisés pour exterminer plus vite un plus
grand nombre de personnes.
Les Etats-Unis se refusent à publier un communiqué officiel pour dénoncer
l’extermination des juifs d’Europe alors qu’ils sont bien informés par des
rapports clandestins, alertés par des télégrammes.
La nouvelle de la victoire soviétique à Stalingrad parvient jusque dans le
Ghetto de Varsovie où survivent encore 50 000 personnes, des hommes et femmes
jeunes, ceux que les nazis considèrent comme « productifs ». Le cours de la
guerre est en train de pencher en faveur des Alliés et les armées du IIIe Reich
reculent. Pour les survivants du ghetto, il n'y a plus rien à perdre. En avril
1943, le ghetto se soulève. En août puis en octobre 1943 ce sont les détenus de
Treblinka et Sobibor qui se révoltent.
Mais Himmler ordonne aux unités spéciales de l’opération 1005 chargées d’effacer
depuis 1942 toute trace des fusillades de masses qui accompagnèrent l’opération
Barbarossa à partir de l’été 1941, d’effacer toute trace du génocide dans les
camps d’extermination.
Au matin du 3 novembre 1943, la liquidation du camp de Majdanek a commencé : les
Juifs sont abattus dans des fosses. A la nuit, 18 000 personnes ont péri. Les
corps sont brûlés sur des bûchers qui mettent deux mois à se consumer. Dans tous
les camps d'extermination, les hommes de l'opération 1005 déterrent les corps,
dressent des bûchers, pilonnent les cendres pour qu'aucune trace ne subsistent.
Les chambres à gaz, les fours crématoires, les baraques sont détruites.
Les Alliés accentuent leur avance et la Hongrie songe à changer de camp et à les
rejoindre. En mars 1944, la Wehrmacht occupe le pays, la déportation des 437 000
juifs hongrois vers Auschwitz débute quelques semaines après. La demande de
bombarder le camp d’extermination ou au moins les ponts qui y mènent, arrive
jusqu'aux Anglais et aux Américains, en vain.
Devant l'étau qui se resserre sur le régime nazi, pris entre l’armée rouge à
l’est et les anglo-américains qui ont débarqué en Normandie en juin 1944, de
nombreux camps sont évacués d'août à novembre, dans un chaos et une violence
indescriptible. Lorsque l'armée rouge arrive à Auschwitz, Treblinka et Majdanek,
les camps ont cessés de fonctionner et sont quasiment vides, seuls les déportés
trop faibles pour avoir été "évacués" sont encore là. Les déportés d'Auschwitz
sont transportés à Bergen Belsen, Mauthasen, Buchenwald.
Pour certains dignitaires nazis comme Himmler le salut passe par la négociation
d’une capitulation mais la tentative tourne court. Hitler puis Goebbels se
suicident alors que l'armée rouge entre dans Berlin. Le 8 mai, c’est la
capitulation sans condition et la fin du IIIe Reich. Himmler est capturé à la
fin du mois de mai par les Anglais et se suicide lui aussi.
Avec la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les Alliés commencent à organiser le
retour des prisonniers de guerre et des déportés. Ils sont moins d’un millier à
avoir survécu aux camps d'extermination de Chelmo, Treblinka, Belzec, Sobibor
sur 1 million 850 000 déportés. Ceux qui reviennent ont le sentiment d'être les
derniers Juifs. Hitler, en 6 ans de guerre et 12 ans de pouvoir, avait détruit
la quasi-totalité des juifs d'Europe.
Épisode 7 : Autopsie d'un assassinat
Le 20 novembre 1945, le procès des hauts responsables du IIIe Reich, dont
Göring, s'ouvre à Nuremberg, la ville où avait été rendues publiques les lois
anti-juives de 1935. Un an plus tard, le tribunal militaire international
condamne à mort douze des accusés et sept à des peines de prison. Tout au long
des auditions, il n'a été que très peu question de la Shoah, quelques témoins
juifs ont été appelé à témoigner et seul Hans Frank, le gouverneur général de
Pologne, reconnaît les persécutions dont les Juifs ont été victimes. Mais pour
la France, l'Angleterre et l'Allemagne d'après-guerre, il n'est pas souhaitable
d'organiser d'autre procès.
Ce sont les autorités américaines qui vont traduire en justice les haut
magistrats, les médecins, les diplomates, impliqués dans la Shoah. Un jeune
juriste de 27 ans, Ben Ferencz, est chargé de trouver les documents qui
permettront de soutenir l'accusation dans les 12 nouveaux procès alors que les
nazis ont largement détruit leurs archives à la fin de la guerre. Il finit par
trouver des centaines de documents entreposés dans une petite maison dans la
forêt de Dahlem et notamment quatre cahiers regroupant des rapports du front de
l'est. Il s'agit du compte rendu minutieux des fusillades de masse et des
massacres perpétrés contre les Juifs de l’Ukraine aux pays baltes, entre 1941 et
1944, par les Einsatzgruppen, les unités mobiles de tuerie. Ferencz arrive à
convaincre ses supérieurs d'organiser un procès dont il va être le procureur
général. Il met en accusation pour crime de guerre et crime contre l'humanité 24
responsables, bien conscient que c'est une goutte d'eau face au nombre des
meurtriers de masse. Pas un des accusés ne reconnait sa culpabilité, n'éprouve
de remord, tous se réfugient derrière l'obéissance aux ordres. Le 10 avril 1948,
le tribunal prononce 14 peines de mort. Mais ce premier procès consacré
uniquement au génocide passe totalement inaperçu. Vont aussi être mis en
accusation les médecins ayant procédé à des expérimentations médicales sur les
déportés, les dirigeants d'IG Farben, soutien sans faille des nazis et leader de
l'industrie chimique allemande, producteur notamment du zyklon B, le gaz utilisé
dans les camps de la mort et dont les usines avaient utilisé comme main d'œuvre
les juifs déportés.
Mais la dénazification en cours se heurte à la guerre froide naissante et à la
reconstruction allemande. Pour rebâtir une administration, un système
universitaire, rendre l’institution judiciaire à nouveau opérationnelle, on
s'adresse à des hommes d'expérience, issus de l'administration du IIIe Reich.
Beaucoup de nazis sont passés entre les mailles du filet et si IG Farben a finit
par indemniser les familles des déportés et des travailleurs forcés, c'était
pour tirer un trait sur la période. Les compagnies d'assurances ont, elles
aussi, été plus que réticentes à indemniser les survivants qui doivent
reconstruire leur vie aussi et retrouver un endroit où habiter.
En Pologne, le retour des survivants ne va pas de soi. Une infime minorité a
fait ce choix dans les mois qui ont suivi leur libération. Ils trouvent leur
appartement occupés et se regroupent dans les grandes villes du pays. Jusqu'au
pogrom de Kielce. En juillet 1946, suite à des rumeurs sur l'enlèvement
d'enfants chrétiens par d’anciens déportés, 40 juifs sont tués durant la journée
du 4 juillet. La moitié des juifs qui ont survécu quittent la Pologne dans les
trois mois qui suivent. Le gouvernement polonais transforme le camp d'Auschwitz
en lieu de commémoration à la mémoire des victimes polonaises de la Seconde
Guerre Mondiale.
Épisode 8 : La
diaspora des cendres
Les rescapés des camps qui arrivent en Israël sont murés dans le silence d'une
société qui ne les reconnait pas. Les écrivains David Grossman, Aaron Appelfeld,
le journaliste Tom Seguev, les historiens Yitzhak Arad ou David Silberklang
plongent dans leurs souvenirs pour rendre compte de l’arrivée des survivants, de
leur difficile insertion dans la société israélienne jusqu’au procès d'Aldolf
Eichmann en 1961. L'ancien spécialiste du régime nazi en matière d'émigration
des juifs, le coordinateur de leur extermination, est repéré en Argentine où il
a fuit après la seconde guerre mondiale, où il s'est installé confortablement
dans la communauté allemande de Buenos Aires. Il est capturé par le Mossad qui
le ramène en Israël pour y être jugé. Son apparition dans la salle d'audience à
Jérusalem est un choc : chauve, en costume terne, il a l’air d’un bureaucrate
effacé et vieillissant. C'est cette image que fige la philosophe Hannah Arendt
venue couvrir le procès pour le New Yorker. Elle assiste à une semaine
d’audience alors que le procès dure un an et ne voit pas la véritable
personnalité d’Eichmann, nazi convaincu, hautain, autoritaire et violent. Face à
la cage de verre qui sert de box, les déportés sont appelés à la barre pour
témoigner longuement. Pour la première fois, ils peuvent parler de ce qui leur
était arrivé. Pour la première fois, ils sont écoutés.
Simon Wiesenthal et les époux Klarsfeld s’engagent dans la recherche des
criminels nazis pour qu'ils soient traduits en justice, comme les responsables
et les gardiens du camp d'extermination de Treblinka, en 1964 à Düsseldorf,
comme Klaus Barbie en 1987 à Lyon que les époux Klarsfeld avaient identifié dès
1971 en Bolivie.
Tandis qu’en juillet 2002, le centre Simon Wiesenthal lance l'opération
"Dernière chance" pour trouver les derniers criminels nazis encore en vie, la
politique mémorielle tente de préserver le souvenir, la culture, les fantômes de
ceux qui ont disparus, mais se traduit aussi par des circuits touristiques : où
commence la commémoration, la mémoire et l'attraction ? Face à la disparition
des survivants, c'est sans doute la littérature qui est le meilleur moyen de
conserver leur mémoire, confie l'écrivain AB Yeoshua. D’autant que deux
phénomènes mettent en péril l’appréhension du génocide : l’impression de
saturation et la banalisation des termes qui feraient oublier son horreur
absolue.