TRILOGIE : MARIUS - FANNY -
CESAR
342B - 343B - 344B
Résumé
La Trilogie marseillaise est l'appellation
générique donnée à un ensemble de trois pièces de théâtre de Marcel Pagnol,
Marius, Fanny et César, ainsi qu'aux adaptations cinématographiques dont il est
également l'auteur et le compositeur.
Alors que Marius et Fanny ont été conçus pour le théâtre, César, le dernier
volet de la trilogie, a été directement écrit pour le cinéma, avant d'être
adapté dix ans plus tard pour le théâtre.
Les trois pièces, condensées en une seule, furent montées à plusieurs reprises,
notamment par Jean-Pierre Darras au début des années 1980 et plus récemment par
Francis Huster au théâtre Antoine.
Marius
L'arrivée du cinéma parlant incite Pagnol à se tourner vers ce nouveau média
dont il est un des premiers à sentir les possibilités pour un dramaturge. Il se
rend ainsi spécialement au printemps 1930 au Palladium de Londres pour assister
à la projection du premier film musical, The Broadway Melody. Mais malgré son
enthousiasme, les studios français - sceptiques quant à cette nouvelle technique
- lui restent fermés. Son plaidoyer publié dans Le Journal le 17 mai 1930 sous
le titre « Le film parlant offre à l'écrivain des ressources nouvelles », lui
vaut même la réprobation de la Société des Auteurs4.
En 1931, il fait la connaissance de Robert T. Kane, producteur à la Paramount
Pictures, qui vient de créer une filiale à Paris et ouvert des studios afin de
mieux pénétrer le marché français. Cette rencontre permet à Pagnol de se
familiariser avec tous les rouages d'une production cinématographique et
d'acquérir une expérience qui lui permettra quelques années plus tard de créer
sa propre compagnie (comprenant studios et laboratoire à Marseille et agences de
casting à Paris, Lyon et Alger). L'intérêt pour le cinéma parlant du public
retombant - une fois la surprise passée - en raison de la pauvreté des
scénarios, Kane propose à Pagnol de lui acheter les droits de Marius pour en
faire une adaptation cinématographique. Saisissant l'occasion, Pagnol refuse la
somme considérable de cinq cent mille francs contre le contrôle total - ce qui
constitue une révolution pour l'époque - sur l'adaptation et la distribution,
plus un pourcentage sur les recettes au titre des droits d'auteur4. Ainsi, alors
que la production envisage les vedettes de l'écran Jean Murat, Henry Garat et
Meg Lemonnier, il parvient à faire engager sa distribution d'origine dont la
quasi-totalité n'a pourtant jamais fait de cinéma6. Il abandonne en revanche
tout droit de regard sur les versions allemandes et suédoises tournées
simultanément4.
Parallèlement, Pagnol convainc Kane de mettre en place un comité littéraire
constitué d'auteurs reconnus et chargé de choisir des ouvrages dignes
d'intéresser le public français. Il réunit ainsi Édouard Bourdet, Tristan
Bernard, Alfred Savoir, Sacha Guitry, Pierre Benoit, Yves Mirande, Saint-Granier,
Albert Willemetz et Léopold Marchand, Jean Giraudoux ayant décliné l'offre. Mais
l'expérience tourne court lorsque les membres dudit comité se rendent compte
qu'ils ne sont que des arguments publicitaires et que leurs recommandations ne
sont absolument pas suivies7.
Le tournage, dont la réalisation est assurée par le metteur en scène britannique
Alexander Korda en parfaite collaboration avec Pagnol, a lieu en cinq semaines
pendant l'été 1931 à Marseille pour les extérieurs puis aux studios de
Joinville. Des versions allemandes et suédoises sont tournées simultanément.
Alors que ces adaptations standardisées selon les critères des studios sont des
« fours », la version française - malgré sa longueur exceptionnelle de 2 heures
- est un véritable triomphe, engrangeant un million de francs par semaine (557
980 € actuels) lors de ses deux premiers mois d'exploitation4.
Fanny
Devant le succès remporté par le premier film, Pagnol a en effet préféré abréger
la carrière de sa pièce pour toucher un plus vaste public. En froid avec la
Paramount à laquelle il reproche le « massacre » de Topaze, malgré la présence
de Louis Jouvet dans le rôle-titre et de Leopold Marchand aux dialogues, il
décide de fonder sa propre société de production, Les Films Marcel Pagnol, en
association avec Roger Richebé, un producteur marseillais ayant déjà à son actif
L'amour chante de Robert Florey, La Chienne de Jean Renoir, La Petite
Chocolatière et Mam'zelle Nitouche de Marc Allégret avec Raimu4. C'est Richebé
qui conseille à Pagnol de confier la réalisation de Fanny à Allégret, Korda
étant entre temps retourné aux États-Unis. Raimu, Alida Rouffe et Fresnay
retrouvent leurs rôles de Marius. Seul Dullac, souffrant, doit céder son rôle à
Auguste Mourriès. Tourné à l'été 1932, Fanny sort le 28 octobre 1932. Le film
est à nouveau une grande réussite commerciale, même si la critique est un peu
plus réservée, lui reprochant son caractère de « théâtre filmé ». Mais les
attaques les plus virulentes visent directement Pagnol, qui a créé pour
développer ses théories cinématographiques une revue, Les Cahiers du film :
« Si l'auteur de Fanny se bornait à fabriquer des théories, il n'y aurait qu'à
le laisser faire et à l'observer en silence afin de se rendre exactement compte
du degré d'incompréhension que peut atteindre un écrivain intelligent quand il
poursuit une idée fixe ou une gageure. Malheureusement, M. Pagnol agit, il agit
avec ce sens des affaires dont il n'a jamais été dépourvu et qui a toujours
diablement aidé son génie d'auteur dramatique : chacun sait qu'il a maintenant
sa maison de production dont il est metteur en scène, auteur, adaptateur, etc.,
suivant l'occasion. [...] Il a aussi depuis un mois sa revue de cinéma où l'on
trouve en quelque sorte le « manifeste » de la nouvelle école pagnolesque ou,
plus exactement, les « projets » de la nouvelle « firme », les termes «
manifeste » et « école » entendant plutôt un idéal esthétique désintéressé qui
me semble assez éloigné des soucis de notre dramaturge. »
— La Vie toulousaine, 16 décembre 1933.
Cette levée de boucliers n'empêche pas Pagnol de poursuivre l'application de ses
principes et de se lancer dans la réalisation de son premier film, Jofroi, pour
lequel il choisit prudemment l'adaptation d'une nouvelle de Jean Giono. Sa
recherche de réalisme, utilisant des décors naturels et un son direct ainsi
qu'une caméra extrêmement mobile, ouvrira selon Patrick Brion la voie au
néoréalisme italien.
César
En 1935, Volterra rappelle à Pagnol son projet de trilogie. Mais la brouille de
Volterra avec Raimu et l'indisponibilité des autres membres de la distribution
(dont la plupart sont devenus des vedettes de cinéma) pour une longue période
rendent le projet irréalisable. Pagnol choisit alors d'écrire directement son
troisième volet pour le cinéma et de le réaliser lui-même.
Pagnol raconte que, bloqué à la moitié du scénario, il retrouva l'inspiration en
improvisant son récit pour une très vieille dame qui ne souhaitait pas mourir
sans connaître le dénouement de l'histoire13. Faisant fi du réalisme, Pagnol
place l'intrigue vingt ans plus tard15 et introduit parmi les personnages
principaux le fils de Marius et Fanny, Césariot. Le film sort le 11 novembre
1936, quatre ans après Fanny.
Afin de boucler la boucle, Pagnol adapte son scénario pour la scène. La pièce
est créée en 1946 au théâtre des Variétés où avait eu lieu une reprise de Marius
et Fanny en 1942-43. Si Orane Demazis, Maupi, Milly Mathis et Robert Vattier
retrouvent une dernière fois les rôles qui les ont rendus célèbres, Alida Rouffe
et Fresnay, indisponibles, sont remplacés par Marguerite Chabert et Henri
Alibert et le rôle de Césariot revient au jeune Raymond Pellegrin que Pagnol
venait de faire tourner dans Naïs. Mais la création est endeuillée par la
disparition en septembre de la même année de Raimu et qu'Henri Vilbert ne
parvient pas à faire oublier.