TRILOGIE : MARIUS - FANNY - CESAR
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Résumé

La Trilogie marseillaise est l'appellation générique donnée à un ensemble de trois pièces de théâtre de Marcel Pagnol, Marius, Fanny et César, ainsi qu'aux adaptations cinématographiques dont il est également l'auteur et le compositeur.
Alors que Marius et Fanny ont été conçus pour le théâtre, César, le dernier volet de la trilogie, a été directement écrit pour le cinéma, avant d'être adapté dix ans plus tard pour le théâtre.

Les trois pièces, condensées en une seule, furent montées à plusieurs reprises, notamment par Jean-Pierre Darras au début des années 1980 et plus récemment par Francis Huster au théâtre Antoine.


Marius

L'arrivée du cinéma parlant incite Pagnol à se tourner vers ce nouveau média dont il est un des premiers à sentir les possibilités pour un dramaturge. Il se rend ainsi spécialement au printemps 1930 au Palladium de Londres pour assister à la projection du premier film musical, The Broadway Melody. Mais malgré son enthousiasme, les studios français - sceptiques quant à cette nouvelle technique - lui restent fermés. Son plaidoyer publié dans Le Journal le 17 mai 1930 sous le titre « Le film parlant offre à l'écrivain des ressources nouvelles », lui vaut même la réprobation de la Société des Auteurs4.

En 1931, il fait la connaissance de Robert T. Kane, producteur à la Paramount Pictures, qui vient de créer une filiale à Paris et ouvert des studios afin de mieux pénétrer le marché français. Cette rencontre permet à Pagnol de se familiariser avec tous les rouages d'une production cinématographique et d'acquérir une expérience qui lui permettra quelques années plus tard de créer sa propre compagnie (comprenant studios et laboratoire à Marseille et agences de casting à Paris, Lyon et Alger). L'intérêt pour le cinéma parlant du public retombant - une fois la surprise passée - en raison de la pauvreté des scénarios, Kane propose à Pagnol de lui acheter les droits de Marius pour en faire une adaptation cinématographique. Saisissant l'occasion, Pagnol refuse la somme considérable de cinq cent mille francs contre le contrôle total - ce qui constitue une révolution pour l'époque - sur l'adaptation et la distribution, plus un pourcentage sur les recettes au titre des droits d'auteur4. Ainsi, alors que la production envisage les vedettes de l'écran Jean Murat, Henry Garat et Meg Lemonnier, il parvient à faire engager sa distribution d'origine dont la quasi-totalité n'a pourtant jamais fait de cinéma6. Il abandonne en revanche tout droit de regard sur les versions allemandes et suédoises tournées simultanément4.

Parallèlement, Pagnol convainc Kane de mettre en place un comité littéraire constitué d'auteurs reconnus et chargé de choisir des ouvrages dignes d'intéresser le public français. Il réunit ainsi Édouard Bourdet, Tristan Bernard, Alfred Savoir, Sacha Guitry, Pierre Benoit, Yves Mirande, Saint-Granier, Albert Willemetz et Léopold Marchand, Jean Giraudoux ayant décliné l'offre. Mais l'expérience tourne court lorsque les membres dudit comité se rendent compte qu'ils ne sont que des arguments publicitaires et que leurs recommandations ne sont absolument pas suivies7.

Le tournage, dont la réalisation est assurée par le metteur en scène britannique Alexander Korda en parfaite collaboration avec Pagnol, a lieu en cinq semaines pendant l'été 1931 à Marseille pour les extérieurs puis aux studios de Joinville. Des versions allemandes et suédoises sont tournées simultanément. Alors que ces adaptations standardisées selon les critères des studios sont des « fours », la version française - malgré sa longueur exceptionnelle de 2 heures - est un véritable triomphe, engrangeant un million de francs par semaine (557 980 € actuels) lors de ses deux premiers mois d'exploitation4.


Fanny

Devant le succès remporté par le premier film, Pagnol a en effet préféré abréger la carrière de sa pièce pour toucher un plus vaste public. En froid avec la Paramount à laquelle il reproche le « massacre » de Topaze, malgré la présence de Louis Jouvet dans le rôle-titre et de Leopold Marchand aux dialogues, il décide de fonder sa propre société de production, Les Films Marcel Pagnol, en association avec Roger Richebé, un producteur marseillais ayant déjà à son actif L'amour chante de Robert Florey, La Chienne de Jean Renoir, La Petite Chocolatière et Mam'zelle Nitouche de Marc Allégret avec Raimu4. C'est Richebé qui conseille à Pagnol de confier la réalisation de Fanny à Allégret, Korda étant entre temps retourné aux États-Unis. Raimu, Alida Rouffe et Fresnay retrouvent leurs rôles de Marius. Seul Dullac, souffrant, doit céder son rôle à Auguste Mourriès. Tourné à l'été 1932, Fanny sort le 28 octobre 1932. Le film est à nouveau une grande réussite commerciale, même si la critique est un peu plus réservée, lui reprochant son caractère de « théâtre filmé ». Mais les attaques les plus virulentes visent directement Pagnol, qui a créé pour développer ses théories cinématographiques une revue, Les Cahiers du film :

« Si l'auteur de Fanny se bornait à fabriquer des théories, il n'y aurait qu'à le laisser faire et à l'observer en silence afin de se rendre exactement compte du degré d'incompréhension que peut atteindre un écrivain intelligent quand il poursuit une idée fixe ou une gageure. Malheureusement, M. Pagnol agit, il agit avec ce sens des affaires dont il n'a jamais été dépourvu et qui a toujours diablement aidé son génie d'auteur dramatique : chacun sait qu'il a maintenant sa maison de production dont il est metteur en scène, auteur, adaptateur, etc., suivant l'occasion. [...] Il a aussi depuis un mois sa revue de cinéma où l'on trouve en quelque sorte le « manifeste » de la nouvelle école pagnolesque ou, plus exactement, les « projets » de la nouvelle « firme », les termes « manifeste » et « école » entendant plutôt un idéal esthétique désintéressé qui me semble assez éloigné des soucis de notre dramaturge. »
— La Vie toulousaine, 16 décembre 1933.

Cette levée de boucliers n'empêche pas Pagnol de poursuivre l'application de ses principes et de se lancer dans la réalisation de son premier film, Jofroi, pour lequel il choisit prudemment l'adaptation d'une nouvelle de Jean Giono. Sa recherche de réalisme, utilisant des décors naturels et un son direct ainsi qu'une caméra extrêmement mobile, ouvrira selon Patrick Brion la voie au néoréalisme italien.

César

En 1935, Volterra rappelle à Pagnol son projet de trilogie. Mais la brouille de Volterra avec Raimu et l'indisponibilité des autres membres de la distribution (dont la plupart sont devenus des vedettes de cinéma) pour une longue période rendent le projet irréalisable. Pagnol choisit alors d'écrire directement son troisième volet pour le cinéma et de le réaliser lui-même.

Pagnol raconte que, bloqué à la moitié du scénario, il retrouva l'inspiration en improvisant son récit pour une très vieille dame qui ne souhaitait pas mourir sans connaître le dénouement de l'histoire13. Faisant fi du réalisme, Pagnol place l'intrigue vingt ans plus tard15 et introduit parmi les personnages principaux le fils de Marius et Fanny, Césariot. Le film sort le 11 novembre 1936, quatre ans après Fanny.

Afin de boucler la boucle, Pagnol adapte son scénario pour la scène. La pièce est créée en 1946 au théâtre des Variétés où avait eu lieu une reprise de Marius et Fanny en 1942-43. Si Orane Demazis, Maupi, Milly Mathis et Robert Vattier retrouvent une dernière fois les rôles qui les ont rendus célèbres, Alida Rouffe et Fresnay, indisponibles, sont remplacés par Marguerite Chabert et Henri Alibert et le rôle de Césariot revient au jeune Raymond Pellegrin que Pagnol venait de faire tourner dans Naïs. Mais la création est endeuillée par la disparition en septembre de la même année de Raimu et qu'Henri Vilbert ne parvient pas à faire oublier.